Premières décisions judiciaires condamnant l’employeur à l’évaluation des risques physiques et psychiques en lien avec le Covid-19

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La gravité et l’urgence de la crise sanitaire ne permettent pas d’occulter les responsabilités civile et pénale de l’employeur. Ce dernier ne peut donc s’absoudre de son obligation légale de sécurité de résultat en raison de la singularité du contexte ou en tentant de justifier son impossibilité à y répondre en raison du déficit des moyens susceptibles de sécuriser les conditions de travail, et ce quel que soit l’environnement de travail. Tels sont les enseignements des trois ordonnances de référés rendues en avril par les tribunaux judiciaires suite à la déclaration d’état d’urgence sanitaire en raison de l’épidémie de Covid-19.

L’exigence de conformité réglementaire dans le contexte de crise sanitaire, socle de l’obligation de sécurité de résultat.

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Le tribunal judiciaire de Lille, saisi en urgence a, le 3 avril dernier, précisé les obligations de prévention du Covid-19, en rappelant les règles liées à l’information et à la diffusion des consignes relatives aux conditions d’intervention et à l’emploi des équipements de protection individuelle de manière uniforme et systématique. Le Tribunal a également rappelé le devoir de sécurité pesant sur les salariés, en ce qu’ils doivent respecter les règles de prévention, et le fait que l’employeur doit en vérifier la bonne exécution.

Dans la même logique, le tribunal judiciaire de Paris, le 9 avril 2020, vient préciser les obligations de la Sa La Poste, lesquelles doivent spécifiquement prendre en considération la crise épidémique qui sévit actuellement. L’ordonnance rappelle que l’employeur est tenu de respecter, quelles que soient les circonstances, l’obligation de sécurité de résultat tant à l’égard de la santé physique que de la santé psychique de ses collaborateurs.

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Dans cette affaire la Fédération Sud des activités Postales et des Télécommunications soumettait plusieurs demandes au tribunal judiciaire, et notamment :
– une demande d’évaluation des risques professionnels liés au Covid-19, au regard des principes énumérés par l’article L. 4121-2 du Code du travail sur l’ensemble du territoire et au niveau des branches d’activités ;
– l’évaluation des risques psychosociaux subséquents aux mesures prises pour lutter contre l’épidémie.

Dans une troisième affaire, le tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné à la filiale française de la Société amazon de « restreindre l’activité de ses entrepôts aux seules activités de réception des marchandises, de préparation et d’expédition des commandes de produits alimentaires, de produits d’hygiène et de produits médicaux, sous astreinte, de 1.000.000 euros par jour de retard et par infraction constatée », dans les « 24 heures de la notification de cette décision ». La Société Amazon est donc contrainte d’appliquer cette décision prononcée sous astreinte, nonobstant l’appel qu’elle a interjeté, dans l’attente de « l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 sur l’ensemble de ses entrepôts ainsi qu’à la mise en œuvre des mesures prévues à l’article L. 4121-1 du Code du travail », en y associant les représentants du personnel, et pendant « une durée maximum d’un mois ».

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Sur l’insuffisance des mesures prévues par le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)

Les conséquences de cette situation inédite liée au Covid-19 doivent obliger l’employeur à prendre de nouveaux éléments en considération tels que la dangerosité qui résulte de certaines tâches, la mise en place de moyens contraignants comme le confinement ou le télétravail…

Tous ces facteurs pouvant avoir des répercussions sur la santé du travailleur, l’employeur se doit de les prendre en compte s’il veut respecter son obligation de prévention des risques professionnels. En ce sens, le juge des référés peut le contraindre à procéder à une évaluation complète des risques professionnels, y compris des risques psychosociaux et peut ordonner la prise de mesures immédiates.

L’insuffisance de la mise à jour du DUERP au sein d’ADAR Flandre Métropole

Dans l’affaire jugée par le tribunal judiciaire de Lille, où l’inspection du travail a soutenu les demandes de la CGT, les juges ont estimé que les travailleurs qui exécutent les prestations au domicile des clients, dont tout le monde ignore s’ils sont contaminés, peuvent être exposés à des agents biologiques dont le Covid-19 fait partie. Dans cette configuration, le risque biologique spécifiquement lié à cet agent infectieux devait donc être évalué et intégré au DUERP.

Ainsi, la simple existence d’un document unique superposé à des notes et des consignes ou recommandations sur la prévention du COVID 19 est insuffisante. Le Tribunal rappelle que la mise à jour circonstanciée du DUERP, réalisée avec l’appui et le soutien des IRP ne répond pas aux obligations réglementaires applicables.

L’insuffisance des mesures de prévention au sein de la SA La Poste

La SA La Poste estime avoir mis en place des solutions variées, concrètes et suffisamment adaptées et adaptables telles que les mesures de préventions barrières, la mise à disposition de gel hydroalcoolique, de masques, de point d’eau et de savon pour les mains, la mise en place d’une cellule de crise ainsi que la suspension des services jugés non essentiels à la vie de la Nation…), mais le tribunal judiciaire de Paris les a estimées insuffisantes.

Le tribunal judiciaire rappelle que l’employeur doit évaluer les risques notamment en tenant compte des dispositions de l’article L. 4121-2, 7o du Code du travail lequel contraint l’employeur à planifier la prévention : « (..) en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants ( ). »

En l’espèce, la SA La Poste n’a pas répondu à cette obligation réglementaire. Elle se prévaut d’avoir diffusé un document de « questions-réponses », se bornant à rappeler les recommandations gouvernementales, ainsi qu’un document annexe listant certains risques, ne pouvant justifier d’une mise à jour du DUERP. Les magistrats ont jugé que le document unique était indigent en ce qu’il n’avait pas évalué les risques liés au Covid-19, nonobstant les mesures prises, lesquelles étaient de toute évidence, insuffisantes.

Qui plus est, le tribunal a relevé que la SA La Poste disposait d’un temps suffisant (4 semaines depuis le début de la crise et des déclarations officielles) pour accomplir les diligences réglementaires exigées

En conséquence, le tribunal judiciaire de Paris ordonne à la SA La Poste de mettre en place et ce, dans les meilleurs délais, le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) dans lequel doivent impérativement figurer :
– le recensement de l’ensemble des activités postales essentielles et non essentielles à la vie de la Nation ;
– les conditions d’exercice des activités aux vues des circonstances actuelles ;
– les incidences de l’arrivée des nouveaux agents dont des intérimaires et des salariés en CDD ;
– les mesures prises en cas d’infections signalées, suspectes ou avérées ;
– les risques psychosociaux résultant de l’épidémie.

La question des risques psychosociaux fait donc de nouveau débat.

Le défaut d’évaluation des risques psychosociaux dans le DUERP dans la décision de la SAS Amazon France Logistique

Le Tribunal judiciaire de Nanterre relève que la société Amazon a manqué à son obligation de sécurité de résultat notamment en ce que l’évaluation des risques psychosociaux liés à l’épidémie du Covid-19 et les mesures correctives étaient indigentes.

Les juges ont par ailleurs rappelé le rôle essentiel du CSE dans cette évaluation, puisqu’ils ont contraint l’entreprise à les associer et les consulter lors de toute démarche d’évaluation.

Le Tribunal a ainsi précisé qu’il est particulièrement nécessaire que l’évaluation des risques psychosociaux liés à la pandémie, rende compte des effets sur la santé mentale et notamment sur les changements organisationnels incessants, résultat des modifications des horaires, des pauses, du télétravail, des nouvelles contraintes de travail, de la surveillance soutenue mise en place quant aux règles de distanciation et des inquiétudes légitimes des salariés par rapport aux risques de contamination à tous les niveaux de l’entreprise.

Tous ces facteurs de risques doivent être intégrés au DUERP, en sus de la gestion et de la prévention du risque infectieux.

Ainsi, que le travailleur poursuive son activité en service dégradé, ou qu’il soit télétravailleur en situation de confinement, la survenance de dysfonctionnements organisationnels et managériaux peut engendrer l’apparition de troubles psychiques susceptibles de répondre à la qualification d’accident ou de maladie professionnels, lesquels vont conduire l’employeur à répondre de ses responsabilité civile et pénale.

D’ailleurs, la SAS Amazon est décriée depuis le début de la crise sanitaire pour le déficit de mesures de prévention et de protection des salariés de ses entrepôts. C’est dans ce contexte, que la CGT a déposé à la fin du mois de mars dernier une plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui visant la direction d’Amazon à Lauwin-Planque près de Douai dans le Nord.

En conclusion…

L’astreinte prononcée d’1 million d’euros par jour à l’encontre d’Amazon est totalement inédite dans un contexte de santé au travail. Elle permet de rappeler de donner une valeur économique à la santé et de comprendre que l’évaluation des risques et l’adoption de moyens appropriés demeurent la pierre angulaire d’une politique efficiente de prévention en particulier dans un contexte où la létalité de ce virus ne fait plus débat.

De même, la simple observation des recommandations ministérielles sur les gestes barrières ne suffisent pas, à eux seuls, à répondre aux obligations légales et une démarche préventive « sur mesure » en fonction de la nature et de la spécificité de l’activité doit donc être menée.

La décision du juge d’ordonner une réduction drastique de l’activité d’Amazon, aux 10 % de marchandises essentielles, à savoir les produits médicaux, sanitaires et alimentaires, dans l’attente de la mise aux normes, permet de circonscrire le maintien de l’activité économique aux besoins considérés comme vitaux.

Ce point étant rappelé, l’appréciation du besoin vital par les juges reste discutable, tant les produits de divertissement ou de confort peuvent être de première nécessité dans un contexte où le confinement se prolonge et où les activités de loisirs se raréfient.

Cela est d’autant plus problématique que la communauté scientifique et médicale s’accorde à dire que les conséquences du confinement sur le plan psychologique peuvent être extrêmement préjudiciables. Supérieur à 10 jours, le confinement est, semble-t-il, prédictif de symptômes post-traumatiques voire d’affections psychiques plus graves.

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